Les complications cardiovasculaires du syndrome de Cushing

Le syndrome de Cushing d’origine endogène est une pathologie rare, due dans 80% des cas à un adénome hypophysaire à ACTH, plus rarement à un adénome surrénalien, un corticosurrénalome ou une sécrétion d’ACTH ectopique d’origine paranéoplasique. Les patients en hypercorticisme présentent des caractéristiques cliniques et biologiques proches de celles du syndrome métabolique [1]. Certains adénomes surrénaliens entraînent une sécrétion supraphysiologique de cortisol sans signes cliniques associés. Ce syndrome de Cushing dit « infraclinique » est le plus souvent mis en évidence dans le cadre du bilan d’un incidentalome surrénalien. La conséquence principale de cet excès prolongé, même mineur, de cortisol est également la survenue d’un tableau proche du syndrome métabolique [2].

Les complications cardiovasculaires du syndrome de Cushing en font toute la gravité, avec un taux de mortalité 4 fois plus élevé chez les patients comparés à des sujets normaux. Ces complications sont dues notamment à une forte prévalence de facteurs de risque cardiovasculaires (FRCV), à savoir une hypertension artérielle (HTA), une obésité abdominale, une insulino-résistance voire un diabète, une dyslipidémie et des anomalies de la viscosité sanguine [3].

La majorité des études montre que l’HTA est le facteur de risque le plus fréquemment rencontré dans l’hypercorticisme, présent chez 70 à 90% des patients. Elle est même quasi constante en cas de sécrétion ectopique d’ACTH, associée alors à une hypokaliémie. Outre l’action minéralocorticoïde du cortisol, il existe de nombreux mécanismes physiopathologiques qui aboutissent au final à une augmentation du volume plasmatique, des résistances vasculaires périphériques et du débit cardiaque. Chez l’adulte, l’HTA peut persister même après correction de l’hypercortisolisme, possiblement du fait de lésions vasculaires irréversibles engendrées par l‘hypercortisolisme [3] [4] [5].

Les patients en hypercorticisme ont en outre un surpoids ou une obésité dans 50 à 70% des cas, avec une répartition androïde des graisses, dont on connaît le caractère délétère sur le risque cardiovasculaire. L’insulinorésistance présente dans l’hypercortisolisme entraîne une intolérance aux glucides, voire un diabète, présents selon les études dans 20 à 50 % des cas. L’existence d’une dyslipidémie semble un peu plus rare (30 à 40% des cas), correspondant à une hypercholestérolémie, hypo-HDLémie, une hypertriglycéridémie ou une dyslipidémie mixte.

Enfin, il existe dans le syndrome de Cushing un état d’hypercoagulabilité, se traduisant par des complications thrombo-emboliques graves chez environ 10% des patients, notamment post-chirurgicales. Les glucocorticoïdes augmentent en effet la synthèse de nombreux facteurs de coagulation, stimulant notamment la production du facteur von Willebrand et entraînant un état prothrombogène. De plus, les patients en hypercorticisme ont une diminution de leur capacité de fibrinolyse, due en grande partie à une augmentation de l’inhibiteur de type I de l’activateur du plasminogène [3]. Cet état prothrombotique peut également être en partie expliqué par une hyperhomocystéinémie, récemment mise en évidence chez des patients ayant un hypercorticisme actif, comparés à des patients en rémission et à des sujets sains [6]. De plus, il existe dans cette étude une corrélation positive entre le taux d’homocystéine et la cortisolémie à minuit, marqueur très sensible de l’hypercorticisme.

L’ensemble de ces anomalies joue un rôle dans l’augmentation du risque cardiovasculaire non seulement au moment de la phase active de la maladie, mais également après guérison de l’hypercorticisme. Une étude prospective comportant 25 patients ayant un syndrome de Cushing secondaire à un adénome corticotrope, a comparé l’évolution de leurs FRCV à celle de sujets contrôles appariés sur l’âge, le sexe et le BMI, avant et 1 an après retour en eucortisolisme [7]. L’augmentation initiale chez les patients du tour de taille, du taux de LDL cholestérol et de l’épaisseur intima-media (EIM) existait même chez les patients en rémission, avec donc persistance du sur-risque cardiovasculaire.

L’augmentation des FRCV explique-t’elle complètement la majoration du RCV chez les patients en hypercorticisme ? Très récemment une équipe Italienne a évalué l’athérosclérose carotidienne (EIM et plaques) chez des patients en hypercorticisme en la comparant à celle de sujets témoins appariés pour les principaux FRCV, à savoir le sexe, l’âge, le tabac, l’IMC, la pression artérielle, la glycémie et les paramètres lipidiques [8]. Les patients en hypercortisolisme avaient une augmentation de l’EIM et une prévalence de plaques athéromateuses plus importante que chez les témoins. Il n’y avait toutefois pas de corrélation entre l’EIM et le taux de cortisol. L’exposition au long cours à un hypercortisolisme a donc probablement des conséquences sur la paroi artérielle et la fonction endothéliale qui ne sont pas uniquement dues à une forte prévalence de FRCV, sans qu’on en connaisse pour le moment les mécanismes physiopathologiques exacts.

Le syndrome de Cushing endogène est une pathologie grave qui peut poser des problèmes thérapeutiques, l’hypercortisolisme étant parfois difficile à contrôler. Cela peut être le cas notamment dans les adénomes corticotropes pour lesquels le taux de rémission varie selon les études entre 40 et 80%. Un dépistage et un contrôle strict des différents FRCV sont donc indispensables chez ces patients à haut risque cardiovasculaire.

[1] Arnaldi G, Angeli A, Atkinson AB, Bertagna X, Cavagnini F, Chrousos GP, Fava GA, Findling JW, Gaillard RC, Grossman AB, Kola B, Lacroix A, Mancini T, Mantero F, Newell-Price J, Nieman LK, Sonino N, Vance ML, Giustina A, Boscaro M. Diagnosis and complications of Cushing’s syndrome : a consensus statement. J Clin Endocrinol Metab. 2003 ;88:5593-602.

[2] Tsagarakis S, Vassiliadi D, Thalassinos N. Endogenous subclinical hypercortisolism : Diagnostic uncertainties and clinical implications.J Endocrinol Invest. 2006 ;29:471-82.

[3] Arnaldi G, Mancini T, Polenta B & Boscaro M. Cardiovascular risk in Cushing’s syndrome. Pituitary 2004 ;7:253-6.

[4] Mancini T, Kola B, Mantero F, Boscaro M, Arnaldi G. High cardiovascular risk in patients with Cushing’s syndrome according to 1999 WHO/ISH guidelines. Clin Endocrinol (Oxf). 2004 ;61:768-77.

[5] Magiakou MA, Smyrnaki P, Chrousos GP. Hypertension in Cushing’s syndrome. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab. 2006 ;20:467-82.

[6] Terzolo M, Allasino B, Bosio S, Brusa E, Daffara F, Ventura M, Aroasio E, Sacchetto G, Reimondo G, Angeli A, Camaschella C. Hyperhomocysteinemia in patients with Cushing’s syndrome. J Clin Endocrinol Metab. 2004 ;89:3745-51.

[7] Faggiano A, Pivonello R, Spiezia S, De Martino MC, Filippella M, Di Somma C, Lombardi G, Colao A. Cardiovascular risk factors and common carotid artery caliber and stiffness in patients with Cushing’s disease during active disease and 1 year after disease remission. J Clin Endocrinol Metab. 2003 ;88:2527-33.

[8] Albiger N, Testa RM, Almoto B, Ferrari M, Bilora F, Petrobelli F, Pagnan A, Mantero F, Scaroni C. Patients with Cushing’s syndrome have increased intimal media thickness at different vascular levels : comparison with a population matched for similar cardiovascular risk factors. Horm Metab Res. 2006 ;38:405-10.