Rapport scientifique de Shirin Shahbazi, bourse doctorale 2004 de la NSFA
Shirin Shahbazi, Cécile Denis, Olivier Christophe. INSERM U. 770, Le Kremlin-Bicêtre
Le facteur Willebrand (VWF) est une glycoprotéine plasmatique multimérique qui joue un rôle clé dans l’hémostase primaire en assurant l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium en cas de blessure vasculaire [1]. Toute anomalie quantitative ou qualitative du VWF conduit à la maladie de Willebrand (VWD) qui représente la plus fréquente des affections hémorragiques constitutionnelles [2]. Le VWF est synthétisé par les cellules endothéliales (CE) et les mégacaryocytes [3]. Le VWF synthétisé par les mégacaryocytes est stocké dans les granules alpha des plaquettes tandis que le VWF synthétisé par les CE peut-être, soit sécrété constitutivement dans le sous-endothélium ou le plasma où il circule à une concentration de 5 à 10 µg/ml, soit stocké dans les corps de Weibel-Palade. Les corps de Weibel-Palade sont des granules de stockage spécifiques des CE qui peuvent libérer leur contenu sous l’effet de divers agonistes.
Au cours d’une étude récemment publiée [4], des expériences d’immuno-précipitation réciproques ont mis en évidence que le VWF est physiquement associé à l’ostéoprotégérine (OPG), membre de la superfamille des récepteurs au TNF. Par cette approche, il a été montré que le VWF est associé à l’OPG dans les corps de Weibel-Palade et après sécrétion des CE. L’OPG joue un rôle capital dans la régulation de la masse osseuse en inhibant la différentiation des ostéoclastes [5].
Il a également été montré qu’au niveau vasculaire, l’OPG participerait à la maintenance de l’intégrité endothéliale en protégeant les CE de l’apoptose dans certaines conditions de privation de facteurs de croissance [6].
De plus, l’OPG est impliquée dans les mécanismes de prévention de la calcification vasculaire.
Par conséquent, dans notre étude nous avons voulu établir la spécificité de la liaison entre le VWF et l’OPG et localiser sur le VWF le domaine fonctionnel responsable de la formation du complexe VWF-OPG. Nous avons établi un système en phase solide sur microplaques qui permet de caractériser la liaison du VWF à l’OPG. Dans ce système, nous avons utilisé différentes molécules purifiées qui sont dérivées du VWF et obtenues par recombinaison génétique.
Par cette approche, nous avons mis en évidence que seules les molécules dérivées du VWF contenant le domaine A1 étaient capables de lier l’OPG. Le domaine A1 possède les résidus 1238 à 1481 des 2813 résidus du VWF. De plus, la liaison spécifique du VWF à l’OPG est totalement et uniquement inhibée par des fragments du VWF contenant le domaine A1. Aucune interaction significative n’a été détectée pour des dérivés du VWF ne contenant pas le domaine A1. En conclusion, notre étude révèle un nouveau rôle du domaine A1 du VWF permettant une interaction spécifique avec l’OPG.
Le domaine A1 avait déjà été impliqué dans diverses fonctions du VWF, comme l’interaction avec la glycoprotéine Ibα plaquettaire [7], la liaison aux composants des matrices extracellulaires notamment le collagène VI [8], l’interaction avec l’héparine [9], les sulfatides [10], et la botrocétine issue d’un venin de serpent [11].
Nous avons testé la capacité de différents anticorps monoclonaux anti-VWF du laboratoire connus comme inhibant ces fonctions du VWF à inhiber l’interaction du VWF avec l’OPG. Aucun d’entre eux n’a montré d’effet significatif.
De nombreuses mutations au niveau du domaine A1 ont été identifiées dans la maladie de Willebrand [1]. Il reste à déterminer si certaines pourraient affecter la liaison du VWF avec l’OPG.
Au cours de la caractérisation de l’interaction VWF-OPG nous avons trouvé que les constituants du tampon de liaison utilisé étaient déterminants. D’abord, la concentration en NaCl influence la liaison puisqu’une concentration inférieure à 20 mM est nécessaire pour observer une liaison significative. Ensuite le calcium, 5 mM sont nécessaires pour une liaison maximale tandis qu’aucune interaction n’est possible en dessous d’une valeur de 1 mM. Finalement, un pH compris entre 6,4 et 6,8 permet d‘obtenir le maximum de liaison entre les deux protéines. En conclusion, ces résultats signifient que l’interaction entre le VWF et l’OPG s’établit au niveau du réseau trans-golgien. Cette interaction spécifique donne très probablement au VWF la capacité de transporter l’OPG dans les corps de Weibel-Palade où le complexe est vraisemblablement maintenu. Cette notion est renforcée par notre observation et celle d’une étude précédente [4] qui ont montré par microscopie à fluorescence une co-localisation du VWF et de l’OPG dans ces corps de stockage et par le fait que le VWF est indispensable à la formation des corps de Weibel-Palade [12].
Un certain nombre d’arguments récents suggèrent que l’OPG, identifiée originalement comme un facteur de protection des os, possède également un rôle important dans le système vasculaire. Sa présence dans les corps de Weibel-Palade fait que sa concentration locale peut être rapidement augmentée sous l’effet d’un certain nombre de stimulis mais la place également sous la dépendance du VWF qui est indispensable à la formation de ces granules.
La compréhension des mécanismes régulant l’association VWF-OPG et des conséquences cliniques d’une telle association pourrait nous apporter de nouveaux indices sur les liens existant entre l’ostéobiologie et la biologie vasculaire. L’utilisation de notre modèle de souris déficientes en VWF chez lesquelles il n’existe pas de corps de Weibel-Palade semble donc un excellent outil pour établir l’importance physiologique de l’association VWF-OPG. Ceci est actuellement en cours d’étude dans notre laboratoire.
[1] Sadler JE. Biochemistry and genetics of von Willebrand factor. Annu Rev Biochem. 1998 ;67:395-424.
[2] >Ewenstein BM. Von Willebrand’s disease. Annu Rev Med. 1997 ;48:525-42.Click here to read.
[3] Wagner DD. Cell biology of von Willebrand factor. Annu Rev Cell Biol. 1990 ;6:217-46.
[4] Zannettino AC, Holding CA, Diamond P, Atkins GJ, Kostakis P, Farrugia A, et al. Osteoprotegerin (OPG) is localized to the Weibel-Palade bodies of human vascular endothelial cells and is physically associated with von Willebrand factor. J Cell Physiol. 2005 Aug ;204(2):714-23.
[5] Simonet WS, Lacey DL, Dunstan CR, Kelley M, Chang MS, Luthy R, et al. Osteoprotegerin : a novel secreted protein involved in the regulation of bone density. Cell. 1997 Apr 18 ;89(2):309-19.
[6] Malyankar UM, Scatena M, Suchland KL, Yun TJ, Clark EA, Giachelli CM. Osteoprotegerin is an alpha vbeta 3-induced, NF-kappa B-dependent survival factor for endothelial cells. J Biol Chem. 2000 Jul 14 ;275(28):20959-62.
[7] Fujimura Y, Titani K, Holland LZ, Russell SR, Roberts JR, Elder JH, et al. von Willebrand factor. A reduced and alkylated 52/48-kDa fragment beginning at amino acid residue 449 contains the domain interacting with platelet glycoprotein Ib. The J Biol Chem. 1986 Jan 5 ;261(1):381-5.
[8] Denis C, Baruch D, Kielty CM, Ajzenberg N, Christophe O, Meyer D. Localization of von Willebrand factor binding domains to endothelial extracellular matrix and to type VI collagen. Arterioscler Thromb. 1993 Mar ;13(3):398-406.
[9] Fujimura Y, Titani K, Holland LZ, Roberts JR, Kostel P, Ruggeri ZM, et al. A heparin-binding domain of human von Willebrand factor. Characterization and localization to a tryptic fragment extending from amino acid residue Val-449 to Lys-728. J Biol Chem. 1987 Feb 5 ;262(4):1734-9.
[10] Christophe O, Obert B, Meyer D, Girma JP. The binding domain of von Willebrand factor to sulfatides is distinct from those interacting with glycoprotein Ib, heparin, and collagen and resides between amino acid residues Leu 512 and Lys 673. Blood. 1991 Nov 1 ;78(9):2310-7.
[11] Sugimoto M, Mohri H, McClintock RA, Ruggeri ZM. Identification of discontinuous von Willebrand factor sequences involved in complex formation with botrocetin. A model for the regulation of von Willebrand factor binding to platelet glycoprotein Ib. J Biol Chem. 1991 Sep 25 ;266(27):18172-8.
[12] Hannah MJ, Williams R, Kaur J, Hewlett LJ, Cutler DF. Biogenesis of Weibel-Palade bodies. Semin Cell Dev Biol. 2002 Aug ;13(4):313-24.